Labyrinthe et catabase

Les références mythologiques abondent dans le Sexto Panteón. En en descendant les escaliers menant vers les galeries souterraines, le visiteur commence un voyage initiatique; telle la catabase* d'Orphée. L'organisation souterraine de la nécropole invite à une descente tant physique que spirituelle vers les Enfers, le royaume de la Mort. Une fois en bas, le voyage se poursuit dans un labyrinthe inextricable de galeries de niches funéraires.

* Dans les épopées grecques, la catabase est la descente volontairement effectuée par un homme vivant dans le royaume des morts

Piranèse, Les Prisons imaginaires, planche XIV : « L’arche gothique » (1750) - Gustave Doré, L’arrivée de Caron, gravure illustrant le chant IX de l’Enfer de Dante (1861)

Gustave Doré, Dante et Virgile parmi les hérésiarques, gravure illustrant le chant IX de l’Enfer de Dante (1861) - Gustave Doré, Styx Phlégyas, gravure illustrant le chant VIII de l’Enfer de Dante (1861)

La ville des Immortels

 
 
 

Avant toute autre caractéristique du monument invraisemblable, l'extrême antiquité de son architecture me frappa. Je compris qu'il était antérieur aux hommes, antérieur à la Terre. 

Cette ostensible antiquité (bien qu'effrayante en un sens pour le regard) me parut convenable à l'ouvrage d'artisans immortels. Prudemment d'abord, puis avec indifférence, non sans désespoir à la fin, j'errai par les escaliers et les dallages de l'inextricable palais.

"Ce palais, est l'œuvre des dieux", pensai-je d'abord. J'explorai les pièces inhabitées et corrigeai : "Les dieux qui l'édifièrent sont morts". Je notai ses particularités et dis : "Les dieux qui l'édifièrent étaient fous". Je le dis, j'en suis certain, avec une incompréhensible réprobation qui était presque un remords, avec plus d'horreur intellectuelle que de peur sensible. À l'impression d'antiquité inouïe, d'autres s'ajoutèrent, celle de l'indéfinissable, celle de l'atroce, celle du complet non-sens. J'étais passé par un labyrinthe, mais la très nette Cité des Immortels me fit frémir d'épouvanté et de dégoût "

L’Immortel publié dans l’Aleph de Jorge Luis Borges, 1949.